Opus #3 : « Des cheveux et des ongles » de Patron Henekou

Article : Opus #3 : « Des cheveux et des ongles » de Patron Henekou
Crédit: Wamo
28 octobre 2021

Opus #3 : « Des cheveux et des ongles » de Patron Henekou

J’ai passé des semaines à questionner l’amour des terres pour nous. Les terres que nous habitons, comment nous aiment-elles ? Est-ce dans leur amour qu’elles avalent les cadavres et boivent leurs sangs ? Des cheveux et des ongles de Patron Henekou s’ouvre avec ceci : « Il y a des terres qui nous aiment. Forcément ! ». Découvrons le recueil de poèmes qui s’offre à nous.

Patron Henekou
Des cheveux et des ongles, Patron Henekou

C’est La marche vers l’avenir de l’artiste togolais Jean Koumy qui ouvre et illustre la couverture du livre. L’avenir n’aura de nous que nos cheveux et nos ongles. Le titre du recueil est écrit au cursif en rouge presque sang. Les éditions Continents ont édité le livre dans leur collection Cris de cœur. Après la préface de l’ivoirien Macaire Etty, les poèmes s’imposent. Ils se subdivisent en trois pas : Des cheveux et des ongles, Seƒoƒo et Je suis archive de ce qui vient.

PREMIER PAS : DES CHEVEUX ET DES ONGLES

Arrêtons-nous sur le premier poème : « Il y a des terres qui nous aiment ». Il raconte qu’il y a des terres qui nous aiment et coulent des larmes en nous voyant partir. Il rappelle qu’il y a des terres qui nous haïssent, qui nous accueillent malgré elles. Ces terres prennent de nous ce qui vient de nos têtes et surtout de nos cœurs. C’est l’image d’un soleil d’ailleurs qui fait gratter le corps.

Citronnier, l’ignare veut savoir la langue que parle l’amour des terres. Qu’aiment donc les terres en ceux qui ne s’aiment plus…

Dans cette partie du recueil, il y a aussi « Des cheveux et des ongles », deuxième partie du poème « Des cheveux et des ongles ». Oui, je sais, on s’y perd. La voix chante la mémoire de Tuta qui a épousé la terre qui certainement l’a aimé. Le rappeur togolais Elom20ce est convoqué. Il chante en Mina que l’on est ce qu’on sait : cheveux et ongles.

Patron Henekou laisse des mots rêver dans cette première partie. Les mots, ordonnés en prose, dévoilent en 2081 une institution continentale : Académie Militaire Anselme Sinandaré. AMAS, une institution du nom d’un jeune élève. Mort sous le coup d’une balle. Mariage précoce avec une terre amoureuse ?

DEUXIEME PAS : SEƑOƑO 

Seƒoƒo est un mot ewe qui signifie fleur ou floraison. Pour ceux qui se demandent ce qu’est ce caractère barbare : ‘’ ƒ ‘’. En ewe il se lit quelque part entre le /p/ et le /f/. Seƒoƒo est la partie d’avant cheveux et d’avant ongles. C’est là qu’est exprimé la création de l’humain, la floraison de l’amour et bien d’autres images.

Le poème « L’arbre de vie » raconte que c’est sous les kapokiers que Sogbo a pétri l’argile avec Lisa. Là, Dieu a fait cou, main et pied, mais avant, il a donné un nez et un sexe.

TROISIÈME PAS : JE SUIS ARCHIVE DE CE QUI VIENT

Patron médite sur l’après-vie. Un poète et un mort « parlent de nuages, de pluies en plomb / et de semences cachées dans le sexe. ». Des requiems sont chantés. Le second dessine une nuit trop longue, confondue à l’humain. Une république qui aime l’obscurité et encore un Anselme Sinandare du futur qui a peint des graffitis sur le soleil… 

Des cheveux et des ongles, qu’en dit le citronnier ?

Les feuilles reverdissent, tu puises au plus profond du sol, de la terre pour faire vie. Ta vie. Tes racines voient des restes, des cheveux et des ongles ensemencés il y a bien longtemps. Des archives pour le présent. Dis-nous tout, parle citronnier…

Petit humain devenu aveugle même à l’amour de la terre. Que comprendras-tu de mes paroles ? La terre polygame a épousé plusieurs autres avant toi. Mais avant, elle a supporté le poids de leurs pas. Elle les a aimés, a pourvu à leur nourriture, en a repris les déchets. Comme une dot. Ensuite, mariage. Ceux qui t’ont précédé ont épousé la terre et sont devenus elle : terre, cheveux et ongles.

Et toi, petit humain qui ne répond pas à cet amour, c’est ton désamour pour ta terre qui engendre les nuits trop longues, le chagrin des fleurs et les balles en plein midi…

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