Dahomey : le film de Mati Diop remporte l’Ours d’Or au Festival Berlinale
La victoire du documentaire « Dahomey » réalisé par Mati Diop à la 74e Berlinale marque un moment charnière dans le monde cinématographique en mettant en lumière une histoire africaine longtemps occultée.
Le film remonte à 1892, période où les troupes coloniales françaises ont pillé le Bénin, alors connu sous le nom de Dahomey, emportant avec elles des artefacts culturels précieux. Mati Diop explore avec habileté ce chapitre douloureux de l’histoire, suivant le parcours de ces objets pillés et soulignant l’impact profond de leur retour au pays d’origine.
LIRE AUSSI
«Dahomey» de Mati Diop, le film qui retrace la restitution des trésors royaux d’Abomey
Dahomey : la quête d’identité à travers les artefacts pillés
« Dahomey » donne une voix aux objets eux-mêmes, notamment à travers la statue anthropomorphe du roi Ghézo. Elle exprime, dans une langue du Bénin, le fon, son déchirement d’avoir perdu son nom, réduit à un simple numéro dans les réserves du musée du Quai Branly à Paris. Le film décrit le déracinement de ces œuvres, leur vie en exil, et leur retour récent au Bénin. En s’appuyant sur ces récits visuels, le documentaire offre une perspective émotionnelle et captivante sur la question complexe de la restitution des œuvres d’art africaines.
Au-delà de l’aspect narratif, « Dahomey » suscite des réflexions profondes sur la mémoire collective, la quête de justice, et la nécessité de reconnaître les conséquences du colonialisme sur les sociétés africaines. Cette œuvre cinématographique éveille les consciences et contribue à la réécriture d’un récit historique plus inclusif. Elle souligne la puissance du cinéma comme moyen de revisiter et de réparer les lacunes narratives du passé.
En recevant une reconnaissance à la Berlinale, « Dahomey » ouvre un espace crucial pour la discussion mondiale sur la restitution culturelle et la nécessité d’une représentation plus authentique et équitable des cultures africaines sur la scène internationale.
Restitution culturelle : qu’en est-il de l’Allemagne et de la France ?
En parallèle à cette consécration cinématographique, la France et l’Allemagne, deux anciennes puissances coloniales, ont récemment lancé un fonds de recherche sur la provenance des objets culturels africains. Ce fonds, doté de 2 millions d’euros sur trois ans, symbolise une prise de conscience collective de l’urgence de traiter ces questions de manière bilatérale. Le conseil scientifique du fonds, dirigé par le philosophe sénégalais Souleymane Bachir Diagne et composé d’experts internationaux, dont Bénédicte Savoy, co-autrice du rapport au président français Emmanuel Macron sur la restitution des biens africains.
LIRE AUSSI
Restitution des œuvres d’art africaines: la France et l’Allemagne lancent un fonds de recherche
Vers une nouvelle éthique relationnelle : le défi de la restitution
Ce projet conjoint reflète une prise de conscience de l’urgence de traiter de manière bilatérale ces questions centrales pour les relations actuelles avec l’Afrique. Il marque une étape significative vers une approche plus collaborative et éthique face aux héritages coloniaux. L’Allemagne, bien que son passé colonial ait été bref jusqu’en 1918, détient dans ses musées un nombre considérable d’œuvres provenant de pays africains, soulignant l’importance de cette démarche collective pour aborder ces questions délicates liées au passé colonial partagé.
Une victoire cinématographique diversifiée
Cette victoire revêt un caractère d’autant plus intéressant en raison de la diversité qu’elle incarne. Une réalisatrice franco-sénégalaise remporte un prix à la Berlinale avec un film explorant l’histoire du Dahomey (actuel Bénin). Une nouvelle réjouissante !
Malgré la joie que suscite cette nouvelle, il est important de souligner une réalité complexe. La richesse culturelle africaine s’oriente vers l’Occident. Elle y cherche activement une audience plus réceptive sur le plan financier et parfois esthétique. En quête de reconnaissance et de soutien, le culturel africain se trouve fréquemment à la croisée d’une Afrique où la culture demeure étroitement liée au cultuel et d’un Occident en quête de nouveauté et d’exotisme.
LIRE AUSSI
Les artistes se voient contraints de produire pour un public extérieur. C’est cet auditoire externe qui, en fin de compte, décide, même aux yeux des Africains, quels sont les chefs-d’œuvre. Ensuite, que ce soit les livres, les films, ils retournent (ou pas) sur le continent avec des valeurs monétaires d’accès et des pensées différentes des réalités du continent.
Ce défi, bien que vieilli, persiste, et son issue demeure incertaine (l’espérance peut-elle nous trahir?). En attendant le changement, célébrons la bonne nouvelle : Dahomey a triomphé !
Commentaires