Une courte parenthèse : naissance et tristesse

Article : Une courte parenthèse : naissance et tristesse
Crédit: Kat J via Unsplash
9 décembre 2021

Une courte parenthèse : naissance et tristesse

La voix me dit que je suis triste. Je lui réponds que je suis né triste. Le ciel et la terre à ma naissance étaient tristes ; l’un enragé d’éclair, noirci et pleurant, a attristé l’autre en le mouillant, en le privant de lumière.

Dans le ventre de ma mère, il n’y avait pas assez d’eau pour me contenir. Ma mère a pleuré et a prié. L’invisible qui avait assisté à ma conception m’a fait pleurer pour qu’il y ait plus d’eau. Depuis, je sais pleurer.

Enfant triste
Enfant triste CC: Pixabay via iwaria.com

À ma naissance, je n’ai plus crié en pleurant. Les petits qui n’ont pas appris à pleurer, qui avaient assez d’eau pour grandir dans l’avant-vie, c’est eux qui crient en pleurant. Moi, je savais déjà pleurer. Je savais déjà être triste. Je suis né triste.

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La voix me dit que moi petit humain, je ne suis pas si petit que ça. Elle chuchote que je me suis aveuglé à ce que je suis en contemplant grandeur du monde et humains infinis. Elle a dit : « Eccédentésiaste ». Je n’ai pas compris. J’ai souri. Elle a soupiré. Je lui dis que derrière tous mes « Je ne sais pas » il y a des savoirs que je veux renforcer. Des espérances que je veux affermir. Je dis que la joie et l’amour restent silencieux à mes questions.

La voix demande : pourquoi savoir ? Je dis, je ne sais pas. Il n’y a, je pense, que ça pour consoler et faire souffrir de la meilleure des manières. Puisqu’il faut souffrir, puisqu’il faut pleurer, et voir combien beaux sont les rires…

Jeune femme souriante
Jeune femme souriante

La voix me traite de menteur. Elle dit que je suis nu dans un magasin de tissu. Que j’ai soif en me baignant dans une rivière d’eau pur cristal. Je caresse des poignées de portes que j’ai fermées à l’amour. Je contemple au lieu de saisir des mains salvatrices tendues vers moi. Pour elle, je me prépare à chanter des odes pour ma vie et sa lumière enterrée dans la triste chair du silence, dans le ventre de la terre des déchus. Elle dit que moi, immense humain, je me fais trace dans le sable de mer, onde sur son eau au repos. Je fais le petit, je fais le con.

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