Opus #2 : «Notre besoin de consolation est impossible à rassasier» de Stig Dagerman

Article : Opus #2 : «Notre besoin de consolation est impossible à rassasier» de Stig Dagerman
Crédit: affiche de Wamo, photo obtenue via Wikimedia (Domaine public).
22 septembre 2021

Opus #2 : «Notre besoin de consolation est impossible à rassasier» de Stig Dagerman

Ma mère pense ceci. Certaines idées ne germent dans l’esprit de l’homme qu’après l’avoir rassasié. Il aurait donc suffi d’affamer Stig Dagerman. Nous aurions eu des photos de lui plus vieux. Nous aurions été épargnés d’un livre d’une telle tristesse (et d’une telle profondeur). Je vous emmène ici découvrir l’homme et l’œuvre. Stig Dagerman et son essai : Notre besoin de consolation est impossible à rassasier .

L’homme : Stig Dagerman

Stig Dagerman, ici avec sa femme, l’actrice Anita Björk quelques années avant sa mort

On le considère comme l’un des auteurs suédois les plus brillants de son époque. Stig Dagerman est un auteur prolifique. Au cours des années 1940, il assied sa notoriété. Son succès est rapide et phénoménal.

Il écrit quatre romans, un recueil de nouvelles, un livre sur l’Allemagne d’après-guerre, cinq pièces de théâtre, des centaines de poèmes et de vers satiriques, plusieurs essais remarqués et une grande quantité d’articles. Puis silence radio. Dagerman disparaît des radars. Sans raison apparente, on n’entend plus parler de lui. À l’automne 1954, la Suède apprend son suicide. Il a été retrouvé mort dans sa voiture. Asphyxié.

L’essai : Notre besoin de consolation est impossible à rassasier

Le titre est long. L’essai est court, très court. Il est néanmoins d’une densité assez remarquable. Il commence ainsi. Des choses qui inspirent la foi aux autres inspire le doute à l’auteur. Le doute est entouré de ténèbres ; il ne peut donc être heureux.

Je suis dépourvu de foi et ne puis donc être heureux, car un homme qui risque de craindre que sa vie ne soit une errance absurde vers une mort certaine ne peut être heureux.

Notre besoin de consolation est impossible à rassasier, 1952

Le malheureux est à la recherche de consolation ; une femme aimée, un compagnon, des mots… Il n’y a sur son chemin que des consolations passagères et imparfaites. Même lorsqu’il trouve sa consolation, il voit son imperfection. La liberté est une prison.

C’est le livre d’un désespéré en quête de vie. Il écrit avec clarté la vanité de la gloire, les limites du temps, la performance que la vie n’est pas. L’essai valse entre espoir et désespoir. Le désespoir gagne tout de même.

Ce qui m’a poussé à écrire sur cet ouvrage, c’est une sorte de gêne. Le flux des pensées de l’auteur me dérange. Son action finale encore plus ; s’enlever une vie qu’il ne s’est pas accordée. Il écrit :

Telle est ma seule consolation. Je sais que les rechutes dans le désespoir seront nombreuses et profondes, mais le souvenir du miracle de la libération me porte comme une aile vers un but qui me donne le vertige : une consolation qui soit plus qu’une consolation et plus grande qu’une philosophie, c’est-à-dire une raison de vivre.

Notre besoin de consolation est impossible à rassasier, 1952

Visiblement, il a été englouti par le désespoir. Un puits sans fond s’est ouvert sous ses pieds. À trop philosopher, l’éternité lui a ouvert ses bras.

Qu’en pense le citronnier ?

Les citronniers ne pensent pas. Ils ne parlent pas. Enfin, qu’est-ce que j’en sais ? Peut-être que les soirs, lorsque tout s’endort, les citronniers se demandent à quoi servent leurs citrons ? À quoi bon transformer les nutriments en sève si c’est pour finir en bois sec ? Peut-être qu’un citronnier a déjà, sans qu’on ne le sache, essayer de se cacher du soleil, d’arrêter d’élaborer sa sève…

Le soir vient, sous le paisible citronnier, les enfants du voisin viennent chercher leurs ballons. Kojo se demande pourquoi j’écris sur un nordique «mélangé». Les enfants rient et font beaucoup de bruit. Ce que je vois, ce sont des humains libres. Eux, ils n’ont pas besoin de consolation.

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Commentaires

Kofanam
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En vrai oui, notre besoin de consolation est impossible à rassasier.
Très bon partage. J'ai aimé!
Merci beaucoup à toi!!!

Omaw Buame
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Merci Kofanam.